culture du viol

La misogynie tue

J’ai l’impression qu’il faut que je parle des événements récents ici, je sens que c’est nécessaire, et pourtant je ne sais pas par où commencer. Depuis mercredi, je me prends en plein fouet la triste réalité : c’est pas demain la veille qu’il fera bon être une femme en ce monde. Ca sonne drama queen et tout, mais c’est comme ça que je le perçois, ça reste assez confus mais si je n’en parle pas maintenant, il sera trop tard et tout le monde aura oublié. On oublie vite, quand ça nous arrange…

Vendredi 23 mai, Elliot Rodger a tué six personnes près de Santa Barbara. Je lis partout des articles qui parlent de qui il est : le fils d’un assistant-réalisateur sur le tournage de Hunger Games. De ses troubles mentaux : il souffrait d’une forme aiguë du syndrome d’Asperger, « ce qui rend très difficiles les relations sociales ». On dit de lui qu’il est un « jeune vierge en guerre contre les femmes ». C’est bien, c’est tellement lisse, tellement facile. Avec cette approche totalement biaisée, je vois les gens commenter : « mais tous les hommes sont pas comme ça, heureusement ! lui il était malade mental ! » d’un côté, et « en même temps je comprends, ça doit être frustrant de pas avoir de meuf et de pas pouvoir baiser ».

A part dans le milieu féministe que je fréquente, je n’ai pas lu d’article qui dénonce l’acte profondément misogyne de cet homme, qui explique que non, être rejeté par les femmes n’est pas une excuse, une justification, une explication correcte, pour assassiner 6 personnes, et pour tenir le discours que tenait Elliot Rodger. Je suis sidérée qu’on passe à côté de ça, et sidérée qu’on ne modère pas ces commentaires effarant de violence, profondément misogynes, que je lis partout. (suite…)

Mon cher Rémi

Rémi, je dois te dire que je suis déçue. Mais c’est pas ta faute hein, j’aurais peut-être pas dû avoir autant d’espoir. Vois-tu, j’ai un peu râlé, très vite fait, sur mon Tumblr, à propos de ta dernière vidéo. J’ai été tellement bien accueillie par tes fans (je t’en parle après, ne t’en fais pas) que mes fans à moi — oui, là, j’avoue je me la pète — ont tenu à me tenir au courant de la suite des événements. Alors j’ai tout suivi d’un oeil un peu sceptique. Je t’ai lu dire que j’étais une prude, et j’ai doucement ri. Si tu savais…

Et puis soudain, une lueur d’espoir ! On m’envoie un lien vers LCI, en me disant, « Il s’excuse ! Bof, j’y crois pas trop… ». Ni une ni deux, je fonce ! Tu parles ! Qu’on n’y croie pas trop, pourquoi pas, mais des excuses c’est déjà ça, non ? Alors je tombe sur ça, et de fil en aiguille, j’arrive .

Eh ben putain, je comprends qu’on n’y croie pas, hein. Pas une seconde même. J’aurais été moins dégoûtée si on m’avait juste dit que tu prenais la parole. Cela dit j’aurais été tout aussi en colère.

Et je suis en colère, Rémi, parce que tu as des responsabilités. Tu es connu, tu es célèbre, des milliers de personnes savent qui tu es, regardent tes vidéos et s’exclament en choeur, « wah trop cool le mec ! » Des vieux qui regrettent de pas avoir eu l’audace de faire comme toi, des jeunes qui se demandent si un jour ils auront les couilles, des gens qui ont ton âge aussi. Moi-même, il fut un temps, je te regardais faire du karting sur l’autoroute et je me disais que t’étais bien barré, dans le bon sens. Et puis je t’ai perdu de vue, préférant donner les miennes à des YouTubeurs plus jeunes, puis délaissant YouTube. (tu t’en fous de ce que je dis là, hein, je m’égare)

Sur ce site, ils disent que tu es le plus grand YouTubeur français par nombre de vues. Ca en fait, des gens ! Je sais pas si tu te rends compte que du coup, ce que tu dis, ce que tu fais, a un impact. Permets-moi de rire jaune quand je lis ceci :

Je trouve que cette polémique est étonnante et qu’elle va très loin. Je me suis fait traiter de « sombre connard » quand même.

Figure-toi que moi, petite blogueuse de rien du tout, à 0 vue sur YouTube et à peine 1,000 likes sur Facebook, je me suis fait traiter d’ « ordure de sac à foutre », de « sale pute », un mec trop cool m’a ordonné de « venir sucer [sa] queue » et un autre m’a intimé de « retourner dans mon monastère ». C’est quand même bizarre, que je me sois faite insulter comme ça, parce que j’ai osé donner mon avis — j’estime avoir été courtoise hein, d’ailleurs. A aucun moment, moi, je ne t’ai insulté. Et pourtant voilà ce qui m’est tombé sur le coin de la gueule. Donc c’est bien que ce que tu fais a un impact. Tu touches les gens, tu leur parles, et ce qui me fait vraiment flipper peut-être dans tout ça, c’est que tu leur parles d’un truc d’une telle manière qui leur donne envie de venir m’insulter de sac à foutre quand j’écris que je suis pas d’accord. Tu vois le lien ou pas ? (suite…)

Mon corps m’appartient

Je suis très en colère. Mais alors vraiment vraiment très en colère. Je vous explique pourquoi, oui, deux secondes, c’est le but de l’article en fait. Calmez-vous. Vous êtes hystériques, calmez-vous.

J’en ai ras-le-bol qu’il y ait une espèce de consensus universel qui donne à tout le monde le droit de donner son avis sur tout, comme ça en permanence, comme si tout ce que tu faisais était en libre-service sur l’étagère de la connerie humaine. Alors que non. Je sens que je suis pas assez claire et il faut que j’arrive à rentrer dans le vif du sujet. Sachez que je suis vraiment, vraiment, énervée, genre au point que j’insulte tout ce qui bouge et que j’ai des fourmis dans le corps, en mode le premier qui me les brise je lui arrache les gonades avec mes ongles, OK. Probablement parce que ça me touche très profondément, à des trucs pas cool auxquels j’aurais préféré ne plus jamais être renvoyée.

J’ai une longue histoire de détestation de mon propre corps.

C’est le genre de trucs qui ne s’expliquent pas. On peut te dire que mais si, ça va, mais regarde comme t’es jolie, t’es pas grosse t’es pas maigre, t’es pas trop grande ou trop petite, t’es bien foutue, ça ne change rien. Et l’homme de ta vie peut te regarder avec tout l’amour et tout le désir du monde, ça ne change pas toujours quelque chose. Souvent, si, quand même. Mais quand bien même, avant d’avoir rencontré ton mec ça faisait bien 8 ans déjà que tu te sentais mal dans ta peau, dans ce corps à la fois trop grand et trop petit, comme si ce n’était pas toi qui étais censée l’habiter mais bien quelqu’un d’autre. C’est douloureux, de se sentir étranger à son propre corps.

Pendant des années, j’ai refusé de mettre des jupes, et j’optais pour les fringues les plus camouflantes possibles. Je mettais du 42 alors que je faisais du 34. Je mettais des pantalons baggy, je superposais les couches, je ne savais pas bien de quoi j’avais honte, ce qui me déplaisait vraiment, mais je ne m’allais pas. Je ne me trouvais pas seyante. Pendant des années, j’ai refusé qu’on me prenne en photo, jusqu’à en taper des crises de larmes, parce que je savais bien que le résultat ne me plairait pas, et qu’on minimiserait ma souffrance. Je préférais être la chieuse qui met la main devant l’objectif, que la chieuse qui pleure devant sa gueule sur l’écran de l’appareil numérique, et qui se bat pour qu’on efface le cliché. « Mais non, ça va, t’es très bien, et les autres sont trop beaux, on n’efface pas, je la garde c’est tout. » Bref, ça me regarde, n’épiloguons pas, voulez-vous.

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